Le 7 juin dernier, le jury d’admission de l’InSHS du CNRS a, pour la troisième année consécutive, déclassé un même candidat au concours de recrutement des chargé·e·s de recherche, Akim Oualhaci, que le jury d’admissibilité de la section 36 du Comité national (sociologie, droit) avait classé en 4ème position (5 postes). L’acharnement de la Direction de l’InSHS contre ce candidat est, à notre connaissance, sans précédent dans l’histoire du CNRS.
Rappelons que les jurys d’admission des chargé·e·s de recherche sont entièrement composés par les directions d’institut et qu’ils sont présidés par ces dernières. La reprise en main de la section 36 du Comité national par la direction de l’InSHS à travers le jury d’admission est ainsi manifeste et d’une violence inqualifiable. Le cas de la section 36 apparaît à la fois comme un cas exceptionnellement problématique et comme révélateur du pilotage des recrutements et de l’exercice d’un pouvoir autoritaire de la direction de l’InSHS en particulier à l’égard d’une discipline, la sociologie. Pour rappel, l’ensemble des candidats sociologues classé·e·s en 2017 par la section 36 ont été déclassé·e·s par le jury d’admission ; d’autres déclassements ont eu lieu dans d’autres sections de l’InSHS (niveaux CR et DR) ces dernières années. Notamment, le candidat classé 1er en section 37 (économie, gestion) a été lui aussi effacé du classement lors du jury d’admission 2019.
Le rapport de force que la direction de InSHS oppose depuis des années au Comité national pour la sélection des candidat·e·s aux concours de chargé·e·s de recherche est amplifié par la résistance de la section 36, qui tient à faire valoir ses propres critères scientifiques de recrutement face aux critères purement institutionnels promus par la Direction. La sociologie est sans doute une discipline qui tente de résister aux mesures de managérialisation de l’ESR et au recrutement fondé principalement sur des indicateurs bibliométriques et sur la capacité potentielle à lever des fonds (ANR, ERC, etc.). Appliqués aveuglement, ces critères produisent de fait de la discrimination indirecte (sur l’âge, sur l’origine sociale et ethnique, etc.) et standardisent les profils des chercheurs et chercheuses de demain (les parcours linéaires dits « d’excellence »). Dans les disciplines de sciences sociales où le chercheur/la chercheuse est en interaction avec son objet de recherche, diversifier les profils de recrutement, c’est aussi se donner le moyen de diversifier les savoirs produits sur la société.
Deux définitions de l’excellence scientifique s’opposent : la qualité du projet de recherche du côté de la section contre des critères dits d’excellence du côté de la Direction mais qui ne sont que les « relevés de notes » de marqueurs traditionnels. Au niveau plus large du CNRS, les diverses déclarations publiques d’Antoine Petit en faveur d’un accroissement du pouvoir des Directions d’institut dans les recrutements contre les prérogatives du Comité National montrent que l’autonomie du jugement des chercheur·e·s par les pairs est en péril au profit d’une conception strictement gestionnaire de la recherche.
Nous ne pouvons accepter que le travail collectif d’expertise des jurys d’admissibilité soit remis en cause par la direction sur la base de critères opaques. Il s’agit d’une remise en cause de la légitimité des sections du Comité national pour le recrutement des chargés de recherche. Aussi, nous appelons l’ensemble de la communauté scientifique à manifester son soutien à Akim Oualhaci, qui doit être recruté au CNRS, et à se mobiliser contre les transformations de la recherche publique et contre la dépossession des chercheur·e·s de leur propre autonomie que ce déclassement reflète.
Paris le 18 juin 2019,
Signataires : SNTRS-CGT, SNCS-FSU, Sud recherche EPST-Solidaires