novembre 24, 2024

Loi Pacte pour la recherche La déontologie mis à la poubelle !

Le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance des entreprises) est un texte fleuve de 73 articles qui vise selon le gouvernement à simplifier la vie des entreprises pour les rendre plus compétitives. L’article 41 selon Mme Vidal est un élément fondamental du projet de loi. Il doit permettre de « créer davantage de passerelles entre le monde de la recherche et le monde de l’entreprise afin de renforcer la dynamique d’innovation source de compétitivité des entreprises ».

Le gouvernement fait le constat que très peu de chercheurs (moins de 1%) utilisent les dispositions de la loi Allègre de 1999. En presque 20 ans, on compte seulement 231 demandes de création d’entreprises, 51 demandes de participation à la gouvernance d’une société anonyme et environ 1200 concours scientifiques*. Ce bilan mitigé serait dû à la trop grande rigidité des règles qui régissent les partenariats public-privé qui limiteraient la capacité des chercheurs à travailler dans le monde de l’entreprise. L’article 41 modifie de manière importante les frontières entre recherche publique et entreprises :

  • Il abroge les articles du code de la recherche qui rendaient obligatoire l’avis de la commission de déontologie** pour tout départ de chercheur vers le privé. En cas de doute, l’organisme employeur pourrait demander l’avis de la commission de déontologie.
  • La commission de déontologie était tenue informée des contrats et conventions conclus par l’entreprise et le service public de recherche. Dorénavant elle ne le sera plus.
  • Pour créer son entreprise, le fonctionnaire devait cesser toute activité au titre du service public dont il relevait. Maintenant il peut être mis à disposition à temps incomplet. En concours scientifique, le temps consacré à l’entreprise passe de 20 à 50%.
  • En cas de création d’entreprise ou de concours scientifique le fonctionnaire pouvait participer au capital dans la limite de 49% et céder ses parts à la fin de l’autorisation. Maintenant la participation au capital n’est plus limitée. Il peut exercer toute fonction dans l’entreprise à l’exception de dirigeant. A la fin de l’autorisation de mise à disposition ou détachement, il peut conserver 49% des parts du capital.
  • Le fonctionnaire détaché ou mis à disposition pour création d’entreprise devait réintégrer le service public pour bénéficier d’une promotion ou de la réussite d’un concours. Maintenant, détaché ou mis à disposition à temps incomplet ou complet, le fonctionnaire bénéficie des mêmes possibilités de carrière que s’il travaillait à plein temps pour son administration.

De telles dérogations concernant la séparation des rôles entre recherche publique et privée va inévitablement générer des conflits d’intérêt pour les chercheurs en même temps « fonctionnaire » et « actionnaire » d’une société privée !

Visiblement les 6 milliards du Crédit impôt recherche ne semblent pas suffisants pour inciter les entreprises à développer la recherche. Il est vrai qu’elles préfèrent rémunérer leurs actionnaires au détriment de la R&D et de l’emploi. Toujours au service de ces dernières le gouvernement préfère mettre encore plus à leur disposition les chercheurs du public quitte à s’asseoir sur la déontologie et les conflits d’intérêt.

*Il s’agit pour le chercheur d’apporter son concours scientifique à une entreprise dont il possède une partie du capital qui valorise ses travaux de recherche.

** La commission de déontologie de la fonction publique est chargée de contrôler le départ des agents publics, et de certains agents de droit privé, qui envisagent d’exercer une activité dans le secteur privé et dans le secteur public concurrentiel 

Villejuif, le 21 février 2019

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