La concurrence est le gage de l’efficacité : voilà le dogme des gouvernements. C’est elle qui est censée tirer l’ensemble du système de l’ESR vers le haut et lui permet d’attirer les talents. Les valeurs humanistes et universalistes de l’université sont pour nos gouvernants la survivance d’un passé révolu dont il convient de se débarrasser. Le programme « Bienvenue en France », promu par le ministère, est l’antithèse de l’universalité.
Selon la conception que « la qualité a un prix », un enseignement gratuit ou pas cher serait synonyme de bas de gamme. Il s’agit d’aligner la France sur le modèle inégalitaire anglo-saxon où l’éducation est un service qui se vend et dont l’offre est fonction des capacités financières de ceux qui y recourent, le prestige de l’établissement se mesurant au niveau de ses frais de scolarité. Conduisant à l’endettement durable des étudiants et de leurs familles, ce modèle commence à être fortement contesté outre-Atlantique, où des mesures de gratuité sont prises dans certaines universités publiques, afin de favoriser la mixité sociale. Notre ministre en a-t-elle entendu parler ?
En France, le modèle payant existe déjà dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, et des établissements d’enseignement supérieur qui ont le statut de grand établissement comme Sciences-Po ou l’université Paris-Dauphine. C’est ce même statut, prévu par l’ordonnance du 12 décembre 2018, que devront adopter à terme les regroupements d’établissements, Universités et grandes écoles.
Les universités françaises sont tournées vers la zone francophone de l’Afrique subsaharienne ou maghrébine, mais dont les pays n’ont pas le même niveau de vie qu’en France et sont peu pourvoyeurs d’étudiants fortunés. Si les universités françaises doivent être « attractives », elles doivent diversifier « leur clientèle » et attirer des étudiants des classes supérieures des pays les plus riches où les fils et filles « des premiers de cordée » sont nombreux.
D’où la décision du gouvernement d’augmenter de façon notable les droits pour les étudiants non communautaires. La licence passera de 170 € à 2770 €, le master de 243 € à 3370 € et le doctorat de 380 € à 3770 € : un tiers du coût complet sera donc payé par les étudiants.
Il y aura deux catégories d’étudiants : ceux qui peuvent payer et les autres. Cette discrimination instaure aussi une diversification géographique, contraire aux textes européens prônant « une éducation inclusive » que le gouvernement a endossés en paroles.
Cette sélection sociale assumée aura pour conséquence automatique la diminution du nombre de masters et de doctorants, notamment, mais pas seulement, venant des pays avec lesquels la France a des liens historiques forts, car les bourses des pays étrangers ne couvrent pas les frais de scolarité.
Les laboratoires des organismes nationaux de recherche ont tissé de nombreux liens internationaux qui sont au cœur des évolutions scientifiques. Ces liens se traduisent par la venue d’étudiants étrangers encadrés en master et en doctorat. Une telle mesure nuira considérablement à ces échanges scientifiques, à l’enrichissement, à la diffusion et au rayonnement de la recherche française. Elle risque d’entraver des recherches des laboratoires menées grâce à l’implication de ces doctorants, dont la formation n’est nullement un « coût », mais une contribution essentielle à l’activité scientifique.
Gênée aux entournures par la protestation qui ne cesse de croître, la Ministre a annoncé que ces frais pourraient être pris en charge par les contrats de recherche. Les règles de financement de l’ANR devraient être modifiées dans ce sens. Ce serait donc aux laboratoires de prendre sur leurs contrats pour inscrire à l’université leurs propres doctorants et masters. Mais de qui se moque la Ministre ?
Les personnels de la recherche doivent rejoindre les universitaires et les étudiants dans leur lutte contre ce scandale que constitue la hausse des frais d’inscription universitaire.
SNTRS CGT – Villejuif, le 28 janvier 2019